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Dr. Mona Mpanzu

MONA MPANZU

(A l'attention de mes étudiants; ISCED-UIGE, 3ème année - DFLE)

 

INTRODUCTION

Nous résumons brièvement  dans cet article, les principales avancées des connaissances sur les opérations mentales impliquées dans la production du langage d’abord, puis dans la compréhension du langage.


→ il s’agit donc d’une étude qui découle de la Psycholinguistique Expérimentale

I - PRODUCTION DU LANGAGE


Au cours des années 70 les chercheurs se sont mis à porter un intérêt particulier aux phénomènes de performance observés dans la production linguistique:

- les lapsus (Fromkin 1971),

- les hésitations (Goldman-Eisler 1972) et

- le phénomène du mot sur le bout de la langue (Brown & McNeill 1966).

Ces phénomènes démontrent la réalité psychologique des unités linguistiques (phonèmes, syllabes, morphèmes, mots, syntagmes) et constituent des fenêtres sur les processus mis en jeu lors de la production du langage (Fromkin 1971, 1973).

 

Distinguons pour cette étude :

TROIS MODÈLES DE PRODUCTION LANGAGIÈRE

1-   MODELE ELABORE PAR FROMKIN

Modèle de planification de la phrase comportant 5 étapes s’appliquant de façon séquentielle:

 

 

A - le contenu sémantique de la phrase est planifié;

B - la structure syntaxique est construite avec, sous les nœuds lexicaux, des ensembles de traits sémantiques;

C - l’intonation phrastique est déterminée;

D - les lexèmes ayant les traits sémantiques appropriés sont sélectionnés;
E - la forme phonologique résultante subit des règles morphophonémiques s’il y a lieu.

 

Le résultat est ensuite envoyé aux organes d’articulation.

 

2 - LE MODÈLE ÉLABORÉ PAR GARRETT (Développé par Levelt )


Pour ces auteurs, la production du langage est formée d’un ensemble de modules de traitement fonctionnant en cascade, comme une chaîne de montage.

→   Dès qu’un module a terminé de traiter une partie de l’information, il envoie cette information au module suivant pour traitement ultérieur, et entame immédiatement le traitement d’un nouvel ensemble de données. Þ la phrase peut commencer à être articulée sans avoir été complètement planifiée.

 

 

1- Elaboration du contenu du message

2- Sélection des concepts lexicaux (lemmas) et planification de la structure grammaticale

3- Récupération de l’information phonologique correspondant aux unités lexicales choisies (lexèmes)

4- Plan articulatoire

Le modèle comporte également des boucles de contrôle qui comparent le signal auditif produit à l’intention de communication et initie des corrections s’il y a lieu.

 

3- MODELE ELABORE PAR DELL, REICH ET STEMBERGER


Ils favorisent une perspective connexionniste interactive dans laquelle les informations d’un niveau inférieur de traitement peuvent influencer en retour les niveaux supérieurs.

Ils expliquent certains lapsus, comme le remplacement du mot anglais present «présenter»  par prevent «prévenir», de la façon suivante:

L’activation du mot present est transmise aux unités correspondant aux phonèmes de ce mot; ces dernières, en retour, transmettent leur activation aux mots auxquels elles sont associées; prevent se retrouve ainsi activé par le fait qu’il partage presque tous ses phonèmes avec present.

Le débat entre la perspective modulaire unidirectionnelle de Levelt et la perspective connexionniste interactive n’est pas terminé, mais, il semble que les faits favorisent les modèles modulaires plutôt qu’interactifs. (Cf. travaux de Rossi et Peter-Defare, 1998)

 

II – COMPRÉHENSION DU LANGAGE


Alors qu’on conçoit facilement un modèle de production comme purement sériel, il est souvent proposé que les attentes au niveau conceptuel guident le processus de compréhension du langage, ce qui suppose un processus de traitement interactif.

Cette section se divise en sous-sections couvrant la parole, l’accès lexical et le décodage syntaxique.


II.1 – LA PAROLE


→ Il est impossible d’identifier un phonème indépendamment de son contexte, à cause de l’importance des phénomènes de coarticulation (Liberman, 1996)

→ Seule une prédisposition innée pour le langage peut expliquer la facilité avec laquelle l’humain peut décoder la parole.

 

D’où la théorie motrice de la perception de la parole (Liberman et al. 1967, Liberman et Mattingly 1985, Liberman 1996). 

 

L’auditeur pourrait identifier les phonèmes en associant aux sons de parole les gestes articulatoires ayant permis de les produire.

 Malgré la variabilité du signal sonore, les indices acoustiques qui y sont présents suffisent à discriminer les sons du langage.

 Récemment, il a été suggéré que la syllabe fonctionne comme fenêtre temporelle à l’intérieur de laquelle les traits phonétiques sont identifiés.

 La syllabe serait donc une unité temporelle élémentaire de décodage (Jusczyk 1997:217)

 

II.2- LEXIQUE


Discutons 3 points dans cette section: l’identification des frontières de mots (A); les théories de l’accès lexical pour les mots simples (B); la compréhension des mots complexes (C).


A - Identification des frontières de mots

Après l’identification des phonèmes, le premier problème auquel fait face un auditeur est celui de segmenter la parole continue en mots.


On retiendra ici 3 approches:

 Christiansen et ses collaborateurs (1998) ont présenté un modèle connexionniste de segmentation basé sur des indices prosodiques


 Banel et Bacri (1997) ont montré que la durée de la syllabe constitue un indice de segmentation lexicale pour les francophones.

 Outre la prosodie, les frontières de mots peuvent être identifiées par le fait que les possibilités de cooccurrences de phonèmes ne sont pas les mêmes à l’intérieur d’un mot et entre deux mots.

 

Les bébés peuvent identifier les frontières des mots sur la base d’indices statistiques (règles phonotactiques et probabilités de cooccurrence de phonèmes) (Gómez et Gerken 2000, Jusczyk 1997, 1998, Mattys et Jusczyk 2001). 

 

 B - les théories de l’accès lexical pour les mots simples

Pour Levelt (1989), l’accès lexical se passe en deux temps: accès à la forme phonologique d’abord, puis accès au sens.

 Pour Forster, l’auditeur localise d’abord l’entrée du mot dans un fichier périphérique phonologique. Cette entrée lui donne l’adresse du mot dans un fichier principal regroupant l’ensemble des informations connues sur le mot.

 Le modèle COHORTE (Marslen-Wilson 1984) propose que les premiers sons du mot activent l’ensemble des mots commençant par ces phonèmes, et que la cohorte ainsi constituée est graduellement réduite à mesure que les phonèmes sont identifiés, jusqu’à ce qu’il ne reste qu’un candidat dans la liste.

 

On peut ainsi concevoir l’identification d’un mot comme un processus nécessitant trois phases: le contact initial (déterminant la cohorte initiale), la sélection (élimination graduelle des candidats non retenus), et la reconnaissance proprement dite (identification du candidat unique compatible avec la séquence phonologique entendue)

 

Certains mots peuvent être identifiés avant que tous leurs phonèmes aient été entendus

 

C - la compréhension des mots complexes


1-Œ Pour les mots dérivés, divers facteurs à considérer: la fréquence du mot et de la famille morphologique, le caractère transparent ou opaque du mot dérivé et le fait que la dérivation est préfixale ou suffixale

2- Dans des tâches d’amorçage, l’opacité (l’obscurité) sémantique  influence la reconnaissance des mots.

Ex.: le sens de lunette ne peut pas être calculé à partir de lune+ ette « petite lune »

3-Ž Contrairement aux mots opaques, les mots affixés transparents facilitent la reconnaissance de leur base, avec des effets variables selon la durée de présentation du mot affixé

4- L’opacité phonologique (le fait que suite à la dérivation, la base ait subi un changement phonologique) semble contribuer peu à la vitesse d’identification de mots

5- Pour les mots sémantiquement transparents, 2 points de vue opposés sont en concurrence: (1) listage exhaustif - (tous les mots sont représentés dans le lexique mental) ou (2) décomposition - les mots sont reconnus en accédant à chacun de leurs morphèmes)

 

II.3 - LE DÉCODAGE SYNTAXIQUE

Ce thème est plus étudié dans le milieu anglophone. Basées en partie sur le traitement de phrases totalement ou localement ambiguës et en partie sur l’identification de la fonction d’un élément déplacé, ces recherches sont relativement peu connues du milieu francophone.

Comment l’analyseur syntaxique humain (parseur) assigne une structure grammaticale à une phrase?

Depuis Bever 1970, on suppose qu’il attribue dès que possible à chaque mot décodé une fonction dans une structure syntagmatique construite au fur et à mesure, de gauche à droite.


Exemple – Phrase Ambigüe - Pierre a reçu un vase de Chine.

 

Possibilités d’analyse:

1- le parseur adopte une analyse par défaut et est forcé de réviser cette décision si la suite lui donne tort;

2- il construit deux analyses en parallèle jusqu’à ce qu’il soit à même d’éliminer l’une ou l’autre;

3- il reporte la décision et se contente d’un traitement superficiel en attendant.


Mitchell (1994) montre que la première position est la plus compatible avec les données. Admettant que le parseur privilégie une analyse donnée au risque de devoir revenir sur ses pas si cette analyse s’avère incorrecte, la question qui se pose est: quelle sera l’analyse privilégiée au départ?

 Frazier (1995) soutient que le parseur privilégie l’analyse la plus simple du point de vue syntaxique, en particulier celle qui évite de postuler un nouveau nœud syntaxique

 Pour  MacDonald et ses partisans,  la résolution de l’ambiguïté syntaxique est guidée – au moins en partie – par l’information lexicale, en particulier par le contexte lexical du mot charnière de l’ambiguïté (dans l’exemple ci-dessus, le mot de) et par la fréquence relative des cadres syntaxiques dans lesquels ce mot.

 Le rôle de la prosodie dans l’analyse syntaxique est aussi pertinent dans ce contexte.

 Des stimulus visuels ont, eux-aussi, un rôle à jouer dans ce processus 

 

CONCLUSION


Nous venons de présenter les principaux développements en production et en compréhension du langage. Nous avons cherché à donner une idée des progrès dans les connaissances au cours des trente dernières années et de la direction des recherches actuelles.

Deux aspects nous paraissent caractériser la psycholinguistique:

1 - l’accroissement du caractère multidisciplinaire du domaine, auquel participent maintenant des psychologues, des linguistes, des neurologues et des informaticiens; ce caractère multidisciplinaire va de pair avec la grande variété des types de faits pouvant être avancés en faveur ou à l’encontre de telle ou telle théorie;

2 - l’apparition de théories de plus en plus précises des processus mis en jeu dans l’encodage et le décodage du langage.

 

BIBLIOGRAPHIE

 

  • BEVER, T.G. 1970 «The cognitive basis for linguistic structures», dans J.R. Hayes, Cognition and the Development of Language, New York, Wiley.
  • BROWN, R. et D. MCNEILL 1966 «The ‘tip of the tongue’ phenomenon», Journal of Verbal earning and Verbal Behavior 5, 325-337.
  • CHRISTIANSEN, M.H., J. ALLEN et M.S. SEIDENBERG 1998 «Learning to segment speech using multiple cues: A connectionist model», Language and Cognitive Processes 13 (2/3), 221-268.
  • FORSTER, K.I. 1976 «Accessing the mental lexicon», dans R.J. Wales et E. Walker, New Approaches to Language Mechanisms, Amsterdam, North-Holland.
  • FORSTER, K.I. 1979 «Levels of processing and the structure of the language processor», dans W.E. Cooper et E.C.T.Walker, Sentence Processing: Psycholinguistic Studies Presented to Merill Garrett, Hillsdale (NJ), Lawrence Erlbaum.

 

 

 

 

Tag(s) : #LINGUISTIQUE
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